Les restes-à-terre / Quitter le bitume
Dessiner sur une tablette , c'est un geste singulier : le doigt doit glisser en douceur et l'on finit par caresser l'écran du bout des doigts. C'est doux, plaisant, simple… Mais je mesure combien cela manque de chair, d'étoffe, de grain. Il me faut malaxer, touiller, écraser, broyer… et conjuguer la finesse filaire d'un trait d'encre tracé à la plume avec d'épaisses boues granuleuses et colorées. J'aime ce jeu de contraste. J'aime surtout lâcher en liberté mes tâches de matière : elle s'éclatent sur la feuille de papier, diffusent et pénètrent, se mélangent… jouent ensemble… Je ne suis plus maître du jeu. Les muses décident à ma place et j'adore ça. Alors, quand tout ceci a bien séché, quand l'agitation des égéries s'est un peu calmée, je découpe mes grandes feuilles maculées pour disposer de petits formats tâchés. Là, je raccorde arbres et fleurs, j'installe ma forêt et la peuple d'humains légers comme...