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Affichage des articles du juillet, 2016

Le Lecteur du parc - 7 : Les couleurs de la maturité

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L’été – enfin ! — était arrivé. Brutal. Implacable. Je pris une douche glacée et vint m’asseoir dans le courant d'air, aux côtés de Yu Man. Accablée de chaleur, je lisais en économisant chacun de mes mouvements. J’avais remarqué que les couleurs des pétales du cœur de Yu commençaient à passer, assombries peut-être par les jours de terreur que nous venions de traverser . Il s’accrochait à son livre comme si sa vie en dépendait. Je mesurais que je faisais de même avec le mien. Yu brisa le silence. - Qu’est-ce que tu lis ? - Erri de Luca,  Le Plus et le moins (ed. Gallimard) … C’est troublant. Tiens, regarde cette phrase. C’est exactement le point auquel nous sommes arrivés ; là que tu en es, toi, Yu Man. Ecoute : « Je découvrais l’infaillible précision des expériences en littérature. Je m’étonnais de la puissance définitive d’une phrase. Lire élargissait le champ de mes sens, m’apprenait à sauver les détails du pilon. Puis l’Ecriture sainte a rabaissé

Le lecteur du parc 6 - Peines perdues

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14 juillet 2016 – midi - Mais qu’est-ce qui t’prend ? Ca va pas ? Mais… Il n’en est pas question ! Tu peux me couvrir de fleurs, de tout ce que tu veux : même pas en rêve j’accepterais un truc pareil ! Non mais… t’es ouf ou quoi ? Un voile des pieds à la tête ?! Et puis quoi encore ?! T u vas m’enlever ça tout de suite ! En plus, on n'y voit rien là-dessous, pas moyen de lire ! Nan mais tu m’as vu ? On dirait qu’t’as honte ! T’as peur de quoi ? Qu’on m’enlève ?   - Eh ho ! Tu te calmes tout de suite et tu me laisses parler ! Il n’est pas question que je te mette un truc sur la tête pour cacher ta beauté. Pas question non plus que je t’empêche de lire, ni de voir tout ce qui se passe autour et encore moins que je te prive du contact avec les autres. Rassure-toi. Mais je dois mettre un peu de brou de noix sur ta chaise qui est très abîmée et je ne voudrais pas de tâcher. C’est juste un tablier un peu trop grand. Rien de définitif, je te rassure. C’est bon ? Tu peux patien

Niça la béla

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Aujourd'hui, c'est juillet et Nice est endeuillée. Ce dessin pour les hommes, ceux de Nice et d'ailleurs : Bagdad, Orlando, Bruxelles, Bamako, etc. (la liste est insoutenable). Une prière faite aux hommes comme une bouteille à la mer. C'est tout. Qui peut plus ? Mais pour Nice, Nice que j'aime, ces quelques mots, ce souvenir.  Parce que face aux nihilistes, j'ai juste envie de penser à la vie débordante de cette ville que j'adore. C'était un matin d'avril — "avril fais ce qu'il te plaît", c'est comme cela à Nice —. J'avais dans mon sac de plage, bien emballé dans son papier qui déjà détrempait, un pan bagna et une bouteille d'eau. Je partais avec une amie, m'aplatir sur les galets face à la Méditerranée. Pour s'y rendre, on parcourait quelques ruelles étroites du vieux Nice : linge aux fenêtres et ambiance italienne, odeur de basilic, pâtes fraîches et brioches à l'anis. L'ombre encore fraîche, à pei

Le Lecteur du parc 5 - "Et que j'aille à la mer !"

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J’avais un peu abandonné Yu Man. J’étais préoccupée par quelque échéance médicale et mes muses n’aiment pas les interférences. C’est à peine si j’avais pu rendre un court hommage aux 200 victimes de l’attentat le plus meurtrier de l’année, sis à Bagdad, et dont on avait trop peu parlé. Et puis j’étais partie prendre l’air et le large, humer l’iode atlantique et me faire dorloter par ma famille, au milieu de ceux avec lesquels l’enfant que j’étais n’est jamais tout à fait loin. A mon retour, mes angoisses étaient effacées mais quand je retrouvais Yu, il était triste. D’une tristesse abyssale. - Tu m’as laissé là, seul avec tes coups de cafard et tes angoisses et moi je prends tout, comme une éponge. Ca fait un mal de chien, tu sais ! Tu aurais dû m’emmener : moi aussi je voulais fuir et voir fleurir ! T’as vu, j’ai pleuré tout un lac ! Je caressais l’épaule de Yu, désolée. - Je ne pouvais pas, tu sais bien… Tu me vois prendre le métro, puis le train, en tra

Bagdad

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A Bagdad, les attentats sont quotidiens. Quand il en meurt 200, voilà qu'on s'en souvient. A peine. La nuit passe et efface, un à un dans les étoiles, les morts lointains qu'on pleure sous des voiles noirs.