Dans l'atelier en plein air


Quatre semaines au Pays des Ecrins. Villégiature caressée par la brise, sur le lieu-dit du Seré-Coste Telme, sis à Puy-Saint-Vincent. Parenthèse en altitude, loin de la litanie anxiogène des infos, à des lieux des masques et des distances de sécurité. Pause avec vue sur un ciel liseré de minéral. Premier plan : verdure plus ou moins ensauvagée. 

Quatre semaines à m'occuper des plantes, à les toucher, à les respirer. À m'y fondre pour rattraper le printemps volé, à étancher leur soif, à tailler leurs rameaux défunts, à les regarder sortir un bouton puis déplier un pétale, offrir leur pollen à des myriades d'insectes, réclamer encore de l'eau, se fermer au coucher, s'ouvrir au soleil…


Nourrie de tout ça, j'ai savouré les heures dans mon atelier en plein air, avec les muses chanteuses et parfumées de Coste-Belle, posée dans l'ancienne ruine que la nature a colonisée et que la main d'une femme disparue a cultivée. Les merles et les mésanges ne m'y ont pas vraiment souhaitée la bienvenue, mais ils ont vite été rassurés par ma présence silencieuse qui tapait des points sur une feuille de papier dans un bruit de pic-épèche. 

Je suis là en lisière de forêt, les bois craquent et les feuilles bruissent au vent. Les aigles passent quotidiennement au-dessus de ma tête en criant, parfois un circaète, parfois un gypaète, exceptionnellement des vautours. Deux vieux bouleaux marquent l'entrée vers le mystère du Grand bois, forêt dense qui pousse chaque nuit des petits cris stridents et des hululements de chouette. Au-dessus, c'est l'alpage de l'enchevêtrement des combes du vallon de Narreyroux. Les chemins longent plus ou moins les canaux qui descendent depuis des siècles du torrent éponyme, pour abreuver les potagers d'en-bas.



Dans ma ruine sans toit, je suis en cocon, abritée d'un côté de la route des hommes et de l'autre, des ombres de la forêt. La nature a envahi les pierres et l'on s'attache à la domestiquer pour qu'elle nous accorde encore un peu de place. Quand le soleil se fait trop chaud (jamais l'hiver), les feuilles du vieux cerisier couvrent la terrasse de tâches d'ombre raffraîchissante.


Je laisse mes feutres divaguer au gré de mes états d'âme, parfois chahutés.

Je dessine les montagnes que j'ai sous les yeux et quelques plantes remarquables du jardin.


Je m'interromps quelques fois pour chercher dans le ciel mon oiseau de mari.


La nuit, dans le pré mitoyen, nous nommons les constellations et guettons les étoiles filantes, toujours les yeux rivés au ciel. 




Alors, comme il me reste encore un peu d'encre, l'atelier en plein air accueille le lendemain, des drôles de bestioles aux yeux écarquillés.



Mais surtout.

Au tout début de l'été, dans l'atelier en plein air, il y a un bouquet d'hémérocalles, ces lys qui ne durent qu'un jour. Pilonnées, broyées, infusées, ces fleurs éphémères à l'extrême deviennent couleur. Couchées sur le papier, elles font pousser des brins d'éternité.

Bonne rentrée à tous.




Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

A partir du 23 mai, "Mamie écrase les prouts"

Prochaine expo perso le 23 avril Birdland (in Loveland)

Le calendrier 2024 d'ARySQUE est paru