À un poète inquiet
Je n’avais rien lâché depuis le départ de papa. J’avais pourtant des images à évacuer : cernes noirs, joues creuses et yeux tout en paupières. Papa poète rêveur chaleur, “aimeur” et aimant.
Il est parti sans dire un mot, lui qui en avait tant écrit. Il est parti sans nous réveiller, quand les mimosas fanaient sur les arbres, les camélias à peine éclos. C’était le 3 mars et j’avais seulement fabriqué quelques papillons blancs. J'en avais laissé un partir avec lui. Il était tout entier couvert de son texte.
Flap, flap flap, papa.
Quand il a fallu reprendre mon chemin, j’ai couru.
Enchaîner, pas s’arrêter, pas laisser monter le flot qui submerge, incontrôlable.
Et puis, finalement, stop !
Confinement de l’Ile-de-France, fermeture du printemps des poètes à la galerie du Génie.
Et merde !
Le scanner grognait dans la pièce à côté pour numériser des poèmes de jeunes ados écrits de toutes les couleurs. J’ai fermé la porte, ouvert les fenêtres, me suis collé les écouteurs sur les oreilles, prévenu Gabriel - le stagiaire qui enchaînait les scans - que je n’entendrai rien pendant une vingtaine de minutes.
Puis, j’ai envoyé Coltrane. Histoire de passer encore un moment avec mon père.
magnifique, fort, émouvant
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