Jour de deuil


J'avais hier soir préparé quelques dessins pour rire : un cardinal en kilt parlant comme Bardot dans le Mépris, un Peillon suspendu aux pendules molles d'une salle de classe, un DSK masquant sa verge vaillante entre les pages d'un livre…
Arrivée ce matin en mon atelier, j'ai, comme chaque jour, allumé la radio… ce fond sonore, ce fond d'info. J'avais l'humeur rieuse, badine, légère.

Puis la nouvelle est tombée, implacable : "Stéphane Hessel est mort". Consternation. 
Je voudrais rendre hommage au grand homme, dire combien ses livres, ses mots, ses poésies déclamées dans les meetings ont forgé ma conscience, titiller la nécessité d'un engagement. Dire que ce blog, ces dessins, sont nés de cela, de son indignation qui était bien plus que cela : un irrépressible amour de la vie qui n'aurait pu se contenter d'un à-peu-près, d'un compromis sur la vie. 

Mais aucun de mes mots – je le crains – n'aura assez de force pour être dignes d'un homme comme celui-là. Je leur préfère ceux d'un autre résistant, d'un autre poète : René Char. 
Je reproduis donc ici ces quelques lignes des Feuillets d'Hypnos, parce qu'elles me semblent dire le sens de cette vie immense qui vient de s'arrêter : une vigilance tenace, nécessaire… mais bienveillante.

- 220 -
"Je redoute l'échauffement tout autant que la chlorose des années qui suivront la guerre. Je pressens que l'unanimité confortable, la boulimie de justice n'auront qu'une durée éphémère, aussitôt retiré le lien qui nouait notre combat. Ici, on se prépare à revendiquer l'abstrait, là on refoule en aveugle tout ce qui est susceptible d'atténuer la cruauté de la condition humaine de ce siècle et lui permettre d'accéder à l'avenir, d'un pas confiant. Le mal partout déjà est en lutte avec son remère. les fantômes multiplient les conseils, les visites, des fantômes dont l'âme empirique est un amas de glaires et de névroses. Cette pluis qui pénètre l'homme jusqu'à l'os c'est l'espérance d'agression, l'écoute du mépris. On se précipitera dans l'oubli. On renoncera à mettre au rebut, à retrancher et à guérir. On supposera que les morts inhumés ont des noix dans leurs poches et que l'arbre un jour fortuitement surgira.
Ô vie, donne, s'il est temps encore, aux vivants un peu de ton bon sens subtil sans la vanité qui abuse, et par-dessus tout, peut-être, donne leur la certitude que tu n'es pas aussi accidentelle et privée de remords qu'on le dit. Ce n'est pas la flèche qui est hideuse, c'est le croc."

Commentaires

  1. Rendez-vous ce soir 27 février à 19h place de la Bastille pour rendre hommage à Stéphane Hessel.

    RépondreSupprimer
  2. A Toulosue à 18h30 place du Capitole

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

A partir du 23 mai, "Mamie écrase les prouts"

Le calendrier 2024 d'ARySQUE est paru

Prochaine expo perso le 23 avril Birdland (in Loveland)