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Affichage des articles du avril, 2015

Du taf, please !

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Affiche réalisée pour la Compagnie du Bredin.   Quand Laurent Vacher de la Compagnie du Bredin m'a téléphonée pour me demander de créer le visuel pour sa prochaine mise en scène — Combat de nègre et de chiens de Bernard-Marie Koltès —, j'avais d'abord rappelé à ma mémoire mes recherches étudiantes et les années passées à écrire pour le compte de grands groupes opérant en Afrique. Et puis, le 19 avril, 800 migrants sont morts en Méditerranée , 800 de plus venus s'ajouter au millier déjà perdu en mer depuis le début de l'année. Cela ne pouvait pas ne pas influencer notre regard porté sur le texte de Koltès. Je sais que Laurent fut, lui aussi, frappé de stupeur devant tant d'actualité ! Alors, j'ai cherché une Afrique opiniâtre, comme le nègre de la pièce. Une Afrique omniprésente, comme les gardes de Koltès. Une Afrique vibrant de colère sourde. Une Afrique puissante, prête à bondir, mais une Afrique ravagée, salie, abîmée. Je voulais marq

Minuscule pays, gigantesque catastrophe

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Collage et grattage. Encre, feutre et acrylique sur papier. 36 x 51 cm Villages ensevelis sous la glace, avalanches titanesques emportant les camps de base de l'Everest, patrimoine architectural effondré, infrastructures démolies, villes détruites, familles endeuillées, des milliers de morts et plus encore de blessés... Le toit du monde a tremblé et il s'en fallut de peu que le monde ne perde physiquement sa tête. Le Nepal est en ruine. Minuscule pays, gigantesque catastrophe. J'étais abasourdie et je ne parvenais à trouver ni les mots, ni les traits. Si ma tête échouait, mes encres, peut-être, sauraient dire mon émoi. J'en pris une violine - celle que l'on nomme Poussière de lune - et je l'ai laissée faire. Dans les méandres qu'elle dessinait sur ma feuille arrosée (c'est toujours un spectacle fabuleux !), j'ai cru déceler le bonnet extravagant d'un jeune meneur de yack.  Pour m'en assurer, je posais sous ce couvre-chef, deux y

Perdus en mer

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C'était un flot d'hommes robustes, jeunes pour la plupart, porteurs des espérances de tout un clan, de tout un village. Ils étaient les plus brillants d'entre les leurs et c'est pour cela qu'ils partirent, jusqu'au bout du continent, jusqu'à cette ligne tourmentée où la mer fait barrage. C'était aussi des femmes et des enfants, des amants comme nous autres. Des êtres de chair et de cœur : je les imagine, hommes, femmes, grands et petits, traversés de frissons à l'odeur de l'aimé. Mais, il a fallu qu'ils soient gens de peu, affamés, assiégés, pilonnés par des avions high-tech. Qu'ils soient familles aux maisons dévastées par la guerre. Orphelins, veufs et veuves, endeuillés, brisés. Des mères qui n'avaient plus que cet ultime fils au souffle souffreteux, noué à leur dos, qui réchauffait leur nuque quand enfin il dormait. Des femmes dévastées, abîmées. Des hommes, fâchés, démolis et apeurés. Des humiliés… Des, pourtant,

Je suis Kenyane

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La haine va si vite que je peine à la suivre. 147 morts, étudiants, enseignants, triés en fonction de leur culte et abattus froidement comme on tire à la foire ! Mais ce n'étaient pas des cibles en carton, c'étaient des étudiants ! Ceux qui devaient construire l'avenir du Kenya et peut-être celui de tout un continent déjà hypothéqué par les orphelins du Sida, les enfants-soldats, la faim, les pandémies... j'en passe et des pas mieux... Hasard de calendrier, mes travaux m'ont conduite ces jours-ci dans l'univers de Bernard-Marie Koltes. C'est là que j'ai eu vent de ces mots qu'il écrivait je crois, dans Tabataba (corrigez-moi si je me trompe). Je les ai lus hier et en pensant ce matin à ce que j'allais vous dire dans cette chronique, ils se sont imposés :  "pour moi l'Afrique, c'est une découverte essentielle, essentielle pour tout. Parce que c'est un continent perdu, absolument condamné..." Comme je voud

"Laisse parler tes doigts intérieurs"

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"Laisse parler tes doigts intérieurs." S'il est des phrases qui sont comme des guides, celle-ci, signée d'Egon Schiele, me tance chaque fois que mes mains me surprennent. Vendredi soir, 23 heures à peu près, seule à l'heure où d'habitude nous montons nous coucher...séparés quelques jours... Pas fatiguée, j'ai transformé notre salon en atelier. Je veux dire comment tu me manques... Je dessine... Je me cherche en femme tournée vers ailleurs, là où je ne suis pas... Te rejoindre !  Mais je suis bien !  Je n'ai pas envie de ces nuits sans toi, mais je suis bien !  Là, mon salon transformé en atelier ! Inévitablement, mes encres en liberté sont venues maculer une tête jetée en arrière, cheveux au  vent, libres et vivants.  ... A la longueur du cou, au rictus que dessinait sa bouche, je notais cependant que je venais de reproduire - peu ou prou - le nu douloureux de Modigliani que j'avais travaillé jadis.  Nu douloureux...  Ce n'

Parait qu'à Paques, y en a des qui ressuscitent

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Encore une zone de silence, plusieurs semaines sans rien écrire. Certes, j'ai pris pendant quelques jours la poudre d'escampette et traversé l'Atlantique pour un retour en hiver, mais cela n'explique pas tout. La vérité c'est que les muses se tenaient à l'écart et que rien ne venait : j'alignais des traits et des traits, alternant les couleurs en camaïeux éclatants, mais je n'aimais cela que s'il s'agissait d' auréoler les oeuvres antiques que des crétins détruisent .  A défaut de cette cause, ce geste répétitif me laissait sur ma faim. Me manquait l'aléatoire, cette magie des encres qui se mélangent en filaments ou en étoiles et ces nuages qu'elles dessinent dans lequel je n'ai qu'à repérer une muse... Alors, un peu dépitée à l'idée de reproduire ce que j'avais fait pour les reste-à-terre ,  j'ai lâché à nouveaux les encres les unes après les autres, au pinceau, à la pipette. Je les ai laissées couler, s