Charlie for ever



À vous, les empêcheurs de penser, les assassins de la beauté, les tueurs de l'intelligence. À vous, les intégristes de tous poils (et imberbes aussi), vous qui organisez l'ignorance pour museler les pensées, vous qui butez de sang froid des types qui ont le cœur sur la main, il faut que je vous dise pour calmer ma colère :
Marianne a le buste généreux, seins tendus et décolleté plongeant... Et Marianne vous emmerde : elle nourrit son peuple et stimule leur imagination.
Marianne porte des mini-jupes et des bottes à talons... Et Marianne vous emmerde : elle aime le vent sur sa peau, le galbe d'un mollet, la sensualité qui nourrit sa culture.
Marianne a le verbe haut et la langue bien pendue... et Marianne vous emmerde : elle fragilise les certitudes et construit des remparts contre l'obscurantisme.

Et moi, ce matin, j'ai la gueule de bois. La sidération me cloue au sol. J'ai perdu mes mentors sous les balles idiotes de  djihâdistes délirants, là, en bas de chez moi ou presque. Il me semble encore entendre les sirènes et je me demande comment sera ce monde qui vient de changer.
Comment imaginer que je n'entendrai plus le français pointu de Bernard Maris donner la réplique amusée à Dominique Seux le vendredi matin ? Comment croire que je ne verrai plus en bas de page dans le Canard enchaîné, le bandeau de Cabu moi qui ne me souviens même pas du temps où mon Beauf n'était pas dans le journal ?
Comment supporter cela ? Ce crime odieux, cette plaie au cœur de notre humanité ? Comment accepter que l'humour, la satyre, la liberté d'expression, l'audace du ton...  aient été assassinés en quelques minutes au nom d'un dieu hypothétique et manifestement mal luné ?
J'ai peur.
Peur pour la liberté, peur pour la dignité, peur pour la création.

Partout s'efface la nuance. Partout s'impose la radicalité. Il faudra bien s'interroger sur cela, sur cet effacement de l'intelligence. Il faudra donc assumer ce monde injuste que nos démocraties ont bâti et dans lequel les laisser pour compte n'ont d'autres issues que celle de croire aux chimères.

Parce que la question s'impose : comment des types nés ici, éduqués dans nos écoles laïques et républicaines, comment ces types-là peuvent-ils vouloir la mort de la liberté ? Comment peuvent-il croire que la guerre vaut mieux que la paix, qu'on peut tuer de sang froid Pierre, Paul et Mohammed ? Comment peuvent ils imaginer qu'ils seraient plus heureux dans une société étriquée, repliée sur elle-même, sans musique et sans fête, femmes muselées, corps cachés ?

Il faut des instituteurs en nombre. Il faut du boulot dans les cités. Il faut une politique carcérale qui soit intégrante et non excluante. Il faut remettre en marche l'ascenseur social. Il faut donner à nouveau des perspectives à nos jeunes. Il faut leur raconter ce que furent les luttes pour la liberté  et il faut se donner les moyens qu'ils l'entendent.
Il faut rendre crédibles nos principes et nos valeurs par une lutte efficace contre la corruption, par un meilleur partage des richesses, par l'honnêteté et la justice et en permettant à tous d'accéder à ce que nous avons de meilleur : pas une montre de prix, pas une voiture de luxe et surtout pas non plus un patriotisme identitaire et réactionnaire ; mais de la culture, de l'éducation, de l'intelligence, assez d'oisiveté pour prendre du recul... et du rire,
du rire malin,
du rire qui questionne,
du rire qui gratte poils.
Du rire sur soi, du rire sur l'autre.
Du rire, du savoir, de la créativité : le propre de l'homme propre.


Charlie, for ever, dans mon cœur et dans les kiosques !

Commentaires

  1. Je t'attendais, Anne… J'attendais que ta rage te mette le crayon à la main. J'ai beaucoup pensé à toi hier. Tes dessins – et le merveilleux tableau "Peindre et dire en temps de vigilance" qu'Isa et moi avons eu l'immense plaisir de recevoir – me sont indispensables, comme à nous tous. Prends ta plume, dessine, écris, va les mettre au service des journaux, on en a encore plus besoin aujourd'hui !

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    1. Promis... Si les journaux veulent bien de mes services...

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  2. Merci, Anne, pour ce très beau texte, poignant, que je partage à 1001% !!

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  3. Merci Anne, il faut il faut... une révolution.

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  4. Je vous ai lue, la gorge serrée et les yeux pleins de larmes.
    Merci, vous avez mis les mots justes sur mon effroi et mes espoirs.

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