25 avril, réédition de Mein Kampf en Allemagne

 

Propriétaire des droits de Mein Kampf, l'Etat de Bavière a-t-il eu raison d'autoriser une réédition de l'ouvrage de référence du nazisme rédigé en prison par Hitler entre 1924 et 1925  ? Etait-ce bien nécessaire, alors que quelques 10 millions d'exemplaires ont déjà  été publiés entre 1936 et 1945, l'Etat nazi l'ayant offert à tous les couples en… cadeau de mariage ?

Au risque de surprendre, je ne suis pas sûre d'être opposée à cette réédition. Pas certaine d'y être hostile parce qu'elle sera commentée et que je crois qu'il est essentiel de faire la pédagogie de cette thèse délirante. Pas parce qu'elle a de l'intérêt. Mais parce qu'elle a été jugée suffisamment crédible pour emmener avec elle des peuples entiers. Il faut démonter cette thèse et avec elle toutes les doctrines racistes. Or on ne critique bien que ce qu'on connaît.

J'ai lu Mein Kampf, en français, et je me souviens du dégoût qui m'obligeait à faire des pauses dans l'étude de cette élucubration abjecte. Je l'ai lu dans une édition non expurgée à la fin des années 1980, pour préparer mon mémoire de maîtrise de philo. Je vous passe les détails*, mais l'idée était de chercher - à travers une étude de l'image des Noirs dans la pensée blanche - ce qui, dans l'inconscient collectif, avait permis la banalisation de l'idéologie nazie (Munich !) et son succès en Allemagne.

Ce succès est encore plus surprenant à la lecture du livre, tant le texte est immonde. 
Or à l'époque, nous savions : Mein Kampf était traduit dans plusieurs langues et distribué gratuitement en Allemagne.  
En 1929, le pape Pie XII avait même alerté  : « Ou bien je me trompe vraiment beaucoup, ou bien tout cela ne se terminera pas bien. Cet être-là est entièrement possédé de lui-même : tout ce qu'il dit et écrit porte l'empreinte de son égoïsme ; c'est un homme à enjamber des cadavres et à fouler aux pieds tout ce qui est en travers de son chemin - je n'arrive pas à comprendre que tant de gens en Allemagne, même parmi les meilleurs, ne voient pas cela, ou du moins ne tirent aucune leçon de ce qu'il écrit et dit. - Qui parmi tous ces gens, a seulement lu ce livre à faire dresser les cheveux sur la tête qu'est Mein Kampf ? » (cité dans l'article de Wikipédia sur Mein Kampf).

Tout, ou presque, de la future Allemagne nazie, figure dans ce livre : l'espace vital, la classification des races et la place de chacune dans le monde nouveau, la domination du monde par le surhomme aryen que les races inférieures doivent servir. Il ne parle pas de l'extermination systématique des Juifs. Mais c'est prévisible : parce que le Juif y est l'ennemi à asservir ou à abattre. Le texte ne fait aucun doute : c'est clair, net et très précis. L'Aryen doit éliminer ce qui le menace et le Juif est, selon Hitler, la cause de tous les troubles, la menace la plus dangereuse.
L'Allemagne des années 30 est fière de sa culture industrielle. Elle la mettra au service de cette doctrine pour mettre en place une industrie de l'extermination, des usines à cadavres.


Formellement, le verbe est violent, le vocabulaire guerrier. C'est un délire de psychotique, systématique, sans faute de cohérence, mais totalement articulé autour de prémisses délirants fondés sur un sentiment de menace, construit sur la peur de l'autre, omniprésente à chaque page.
Sans doute est-ce cette peur, commune aux hommes aux abois, qui fut le point d'ancrage de l'idéologie nazie dans l'Allemagne vexée, démolie, étouffée par la Première guerre. Cette peur, bien souvent hélas !, nous incline à retrouver nos réflexes les plus protectionnistes, les plus agressifs : on hurle et on mord.
Il fallait cette peur et un terrain culturel favorable dans de nombreux pays européens (n'a-t-on pas exhibé une Hottentote à l'exposition universelle de 1889 ?) pour que le nazisme parvienne à convaincre. Il fallait cette peur, celle qu'en tous temps, les esprits machiavéliques aiment à exciter par appétit de pouvoir. 

En 2015, les droits de Mein Kampf passeront dans le domaine public. Une version commentée, c'est peut-être moins pire. Mais, vrai : les temps sont durs et ça tombe plutôt mal comme produit d'édition !

* Mémoire intitulé "Les Noirs dans le regard des Blancs des Lumières au Nazisme." Le sous-titre, "Les édifices du racisme moderne", faisait référence à un ouvrage de Lacan intitulé "les édifices du délire" et qui, pour faire rapide, décortique les différentes étapes du processus de construction du délire paranoïaque. Dans ce mémoire, je recherche ce qui pourrait constituer les étapes de construction du délire raciste dans la pensée moderne, depuis les Lumières (pas toutes très respectables quand il s'agit de parler des Noirs…) jusqu'au nazisme.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

A partir du 23 mai, "Mamie écrase les prouts"

Prochaine expo perso le 23 avril Birdland (in Loveland)

Le calendrier 2024 d'ARySQUE est paru