Tana River, rivière de sang

Première destination touristique d'Afrique de l'Est, le Kenya est souvent présenté comme la quintessence de l'Afrique : monde sauvage, savane riche d'une faune exceptionnelle, vie nocturne animée dans les stations côtières… Alors, quand des scènes d'émeute embrasent la touristique ville côtière de Mombasa, on déploie l'armée, on règle le problème au plus vite.
 Mais quand les tueries se font ailleurs, en zone peu fréquentée par les touristes, on néglige, on laisse filer, comme si les conflits ethniques faisaient partie du paysage. Dans la nuit du 21 au 22 août pourtant, le massacre d'une cinquantaine de personnes dans le sud-est du pays, dans le district rural de Tana River, avait choqué le pays et la communauté internationale. Par le nombre de victimes d'abord, mais aussi par la violence des affrontements : les victimes avaient été tuées à coup de machette ou brûlées vives. Depuis, les émeutes de Mombasa qui ont suivi l'assassinat d'un prédicateur radical musulman (voir Le Monde du 29 août), ont fait de nouveau oublier le district de Tana river.

Ici, Orma et Pokomo se disputent la terre et les points d'eau depuis longtemps. En 2001 déjà, la haine inter ethnique avait causé la mort de 130 personnes. Alors à chaque massacre, on parle de représailles et on attend le suivant : 52 morts le 22 août, un autre le 1er septembre, puis 12 vendredi dernier et ce matin, à 10 heures, les maisons du village de Kilelengwani brûlaient encore. Bilan : 33 personnes — hommes, femmes, enfants, bien sûr — massacrées dans un raid conduit par plus de 300 Pokomo. Encore une opération de représailles, dit-on à Nairobi. Avant ce massacre, un député local, cité par Jeune Afrique, avait pourtant alerté sur la négligence des autorités : "en tant que dirigeants, nous sommes fatigués d'être appelés pour éteindre les braises (…) les agences de sécurité sont responsables de cette violence (…) elles ont des informations sur ces attaques en préparation et ne font rien" déclarait-il à l'AFP. "Si les tueries avaient eu lieu à Nairobi, la réponse du gouvernement aurait été différente."
D'expéditions punitives en expéditions punitives, les abords de Tana River se teintent couleur sang, dans l'indifférence générale, ou presque.

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