Le doigt de Grillo


Aux dernières élections en Italie, il n'y a qu'un vainqueur et ce n'est sans doute pas l'Italie. Hier, le seul à sortir des urnes la tête haute est un comique, un bouffon : Beppe Grillo.
Nous ne jetterons pas la pierre aux Italiens, nous qui laissons grimper une Marine Le Pen qui n'est même pas drôle : force est d'admettre que nos dirigeants n'ont guère fait la preuve de leur capacité à gouverner avec justice et nul ne les prend plus au sérieux.
Mario Monti est loin de faire exception et s'il a les faveurs de l'Union européenne - c'est un pur financier! - on ne peut pas dire qu'il ait convaincu les Italiens. Et pour cause, son plan de rigueur drastique n'a eu que les applaudissements des marchés mais n'a en rien réduit la dette italienne qui s'est alourdie de la bagatelle de 100 milliards d'euros !
Dont acte, Pier Luigi Bersani, homme qui s'affiche de centre gauche et dont le parti est arrivé en tête au parlement, n'a plus qu'à se rapprocher du comique, et le persuader de former une majorité qui, de toutes façons, demeurera fragile face à un Sénat sans majorité mais plutôt orienté Berlusconi…
L'Italie ingouvernable donc, avec un bouffon qui a convaincu les foules au prix d'un énorme Casino (bazard, en Italien) pour les semaines à venir et Berlusconi se marre, en proposant un dialogue avec le centre gauche. Berlusconi ou Grillo, il faut choisir, vous voyez le dilemme ?…

Et voilà que me revient en mémoire, une fable de Phèdre (1er siècle après Jésus-Christ) :

Le Bouffon et le paysan
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«  Les hommes ordinairement cèdent à d'injustes préventions, et quand ils sont encore tout plein de leurs faux jugements, l'évidence les force au repentir.
Un citoyen noble et riche voulant célébrer des jeux, proposa une récompense à quiconque présenterait un spectacle nouveau. Il invita tout le monde à. concourir. Des comédiens ambulants vinrent se disputer la victoire.
L'un d'eux, un Bouffon, connu par ses saillies, se vanta de donner un genre de spectacle qui n'avait encore paru sur aucun théâtre. Cette nouvelle se répand et voilà la ville en mouvement. Les places, auparavant inoccupées, manquent maintenant à la foule. Notre acteur paraît sur la scène, seul, sans aucun appareil, sans personne pour l'aider dans son rôle. L'attente avait commandé le silence. Il baisse tout à coup la tête, la cache sous son manteau, et se met à si bien imiter avec sa voix le cri du cochon de lait, que tout le monde croyait qu'il en eût un sous sa robe. On lui ordonna de la secouer, il le fait et on ne trouve rien. On l'accabla d'éloges et on le poursuivit d'applaudissements.
Un paysan qui était présent s'écria: « Par Hercule! il ne l'emportera pas sur moi. » Aussitôt il promit que le lendemain il ferait mieux. La foule fut encore plus considérable, les esprits étaient prévenus, et l'on vint plutôt pour se moquer que pour juger.
Ils s'avancent tous deux. Le Bouffon commence à grogner le premier, et aussitôt partent de la salle des applaudissements et des cris. Le Paysan feint de cacher un cochon de lait sous ses vêtements (ce qu'il faisait réellement; mais, comme on n'avait rien trouvé sur le Bouffon, on était sans défiance), et pince l'oreille du pauvre animal, auquel la douleur arrache des cris bien naturels. Les spectateurs soutinrent que le Bouffon avait bien mieux imité et voulurent faire chasser le Paysan. Mais celui-ci, montrant le cochon de lait, leur prouva d'une manière irrécusable leur erreur: « Voilà, dit-il, comme vous êtes bons juges. »

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