Les reste-à-terre / toucher le ciel



A Ceillac début juin, la foule des estivants n'était pas arrivée. Les passants se faisaient rares : un couple promenait une poussette, une femme songeuse laissait gambader son chien, quelques voitures roulaient au pas. A peu d'exceptions près, ce jour-là, ce grand pré n'accueillait guère d'humains sinon ceux qui arrivaient du ciel en se posant vent de face, par quelques pas courus, avec, dans leur sillage, une voile écarlate et des suspentes discrètes.

Pour l'heure, ils étaient en plein ciel. J'avais refermé mes fioles d'encre et mon pot de liant pour mieux admirer ces gigantesques papillons à l'aile unique.
Sur la plus grande de mes feuilles, séchaient ensemble mes bouts de route et mes couleurs. Demeurait une nouvelle page blanche, d'un format plus petit. Le nez planté au ciel, je savais qu'il me fallait m'occuper de celle-ci ; le temps, sinon, me manquerait pour le séchage. 

J'étais une peintre reste-à-terre. Je plongeais donc les yeux au sol et fouillais du regard : là, à quelques mètres, l'herbe était usée par des pas. En grattant un peu, j'aurais quelque matière ; je grattais donc.
Riche de ces poussières et la tête dans les nuages, je débouchais encres et liant, préparais ma mixture… Pendant que là-haut, les parapentistes animaient le ciel en frôlant les nuages, je faisais danser mes pinceaux 30 cm au-dessus de ma feuille. Minuscule reste-à-terre survolée de papillons géants.
Je plantais des arbres avec la terre de ce pré… C'était Loveland encore !

Les Restes-à-terre / Lovers
série de 8 petits formats (10 x15 cm) sur papier torchon.

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