Ishtar à Mossoul : le monde réenchanté


Six jours, c'est le temps dont j'aurais eu besoin pour encaisser l'affaire. Les barbares ont détruit à Mossoul des trésors assyriens et pré-hellénistiques : jetés à terre, défigurés au marteau piqueur, démolis à coups de massue. Je me suis sentie blessée jusque dans ma chair, comme si l'on m'avait arraché un pan d'humanité, un morceau de mon être.
Alors pendant six jours, j'ai préparé ma riposte.
Sur la déclaration de la Directrice de l'Unesco dénonçant les destructions culturelles opérées par Daesh, j'ai d'abord écrit en lettres rouge sang, mon deuil et mon angoisse. Puis, j'ai répertorié les dégâts et rendu les honneurs aux Assyriens bafoués : sur ma feuille de papier dieux et rois de Hatra sont morts le glaive au poing. 



C'était une première réaction à la barbarie : dessiner les oeuvres détruites comme pour dire "même pas mort", les faire revivre sur une feuille de papier avec ces armes fatales que sont ma plume et mon pinceau... comme ça... par nécessité...

Mais je veux plus !
Je veux la liberté de créer sans limite. Je veux le choix de vivre. 
Alors voilà comment ça s'est passé en vrai, sur ma feuille de papier.


J'étais là, installée dans les ailes d'un taureau à contempler le chaos. Comme je ne voulais pas (ni ne savais) dessiner Guernica, j'ai pensé que peut-être. il me fallait appeler le seul dieu avec lequel je m'entende pas trop mal : Eros. Alerté par le raffut, Cupidon était déjà en route, monté sur un centaure. 
Il fut là illico.

Là tout de suite, il me dit : 
" - Ecoute,ARySQUE, j'ai réfléchi en venant et franchement c'est compliqué. J'suis pas sûr que les Assyriens apprécieraient que je m'en mêle. C'est un peu tendu entre nous et ils vont invoquer la non-ingérence et tout le toutim. Tu comprends, on peut pas toujours faire comme si on dominait le monde ! Non, c'est sûr : le mieux ce serait que tu solllicites Ishtar.
- Qui ça ?
- Ishtar. Elle se fait aussi appeler Inana.
C'est avec elle que tu dois traiter. En tant que déesse assyrienne, elle est hyper légitime. Et puis attends, elle cumule les fonctions de déesse de la guerre, mais aussi de l'amour, de la fertilité et du sexe. Je t'assure : elle est incontournable. Accessoirement, elle est plutôt gironde et mon centaure est assez pote avec ses lions...ça te dérange, si je reste ?


Dans la mesure où l'on venait de massacrer quelques-uns de ses proches, la belle et néanmoins redoutable Ishtar ne se fit pas prier : elle amena avec elle ses lions, mai aussi ses hiboux et, reine de la nuit, elle fit tomber le jour et alluma la Lune. 
"Ce soir, c'est la pleine lune", ai-je pensé, au moment où Adam pointait le bout de sa main pour déposer enfin, un nouveau couple d'amants.

Ce n'étaient plus les salles dévastées du musée de Mossoul, c'était Loveland, again, et j'avais ma revanche : Nom de Zeus ! Je ne les laisserai pas désenchanter mon monde !
Résistance / Ishtar à Mossoul, Collage, encre, acrylique et feutre sur papier. 36 x 51 cm.

Avec :
Centaure chevauché par l'Amour, 2e S avant JC. Asie mineure (le Louvre)
Ishtar, reine de la nuit, période babylonienne ancienne (Bristish museum)
Le Baiser, Auguste Rodin
La main d'Adam in le plafond de la chapelle Sixtine. Michel-Ange.
Les sculptures et bas reliefs du musée de Mossoul.

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