Un printemps au cœur de l'hiver - Dans l'atelier de Coste belle


Comme le marin au port goûte le cliquetis des drisses secouées par le vent, j’aime celui de la glace qui chancelle et se brise en chutant de son arbre.
A Coste-belle, lopin bâti sis au lieu-dit du Serre et Coste-Telme, commune de Puy-Saint-Vincent dans les Hautes-Alpes, je possède un atelier "saisonnal" : là-bas, tout bruisse au rythme d'une nature excessive.

Cette année pourtant, l'hiver était timide et les premiers jours blancs demeuraient plus humides que neigeux. Sous des températures quasi pascales, la glace en fondant m'envoyait des messages, des petits mots d'amour. 

Narreyroux, Enclos des moutons. Coste-Belle, Signe dans la glace

Lors, le soleil revenu dans cette douceur printanière, accompagnée que j'étais par le cliquetis de la glace, le chant des mésanges et les cris disgracieux d’un couple de geais multicolores, j’ai ouvert mon atelier en plein air sur la pierre, au bord d’un névé qui s’effaçait. 

Cette année, le printemps s’invitait au cœur de l’hiver et je jurais d’en profiter, renonçant de bonne grâce à quelques virées à ski pour profiter des muses ! 
Je me laissais bercer par la saisonnalité du lieu et sur une photo de la chapelle de Narreyroux noyée de neige, prise un de ces hivers où l’or blanc coulait à flots, j’ai installé le printemps, anticipant un peu mes frêles pruniers en fleurs. 


Cette année, le printemps s'invite en plein hiver. Technique mixte sur papier. 42 x 59,4 cm

Puis vint la tempête.
Dans la nuit, de violents coups de vent balayèrent la terrasse, faisant disparaître en tourbillon, quelques fleurs séchées d’hydrangea que je conservais là pour m’en servir plus tard (je les retrouverais le surlendemain, tapies derrière un vieux bardeau, intactes !). A force de bourrasques, Eole brisa et dispersa les branches les plus fragiles de mon saule en sursis. 
Dans la forêt voisine, des arbres étaient à terre, les troncs éventrés !


Au matin, sous un ciel nettoyé, j’attrapais un cliché à 90 Km/h que j’avais capté un an plus tôt sur la route du retour. Je le déchirais, le collais, lui adjoignais des tâches d’encre soufflées par le vent et reproduisais en raclant mon support de peinture, d’encre et de sable, les fureurs éoliennes.

Ainsi calmée, je ramassais une à une les branches de mon vieux saule, les fagottais comme l’on fait ici quand il faut nettoyer un jardin de montagne que la tempête a secoué. Je posais patiemment le calme après la tempête alors que le vent faiblissait.
Ici, parfois, même la pierre tremble !

Après la tempête (tribute to Kiefer).
Technique mixte sur toile clouée sur bois teinté et ciré. 60 x 99 cm

Enfin, l’hiver pointa son nez. Le névé qui jusque là prenait de très sérieuses distances avec mon atelier, avala celui-ci le submergeant de neige. 
Je laissais Coste-Belle vivre l’hiver sans moi. A regret, j'abandonnais mon jardin dans le blanc et immortalisais un boulot trépassé : celui que depuis cette année, on appelle Saturnin.


Coste-Belle et Saturnin

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