55 jours sans savoir


55 jours de confinement. Un printemps des poètes avorté et une exposition personnelle annulée. Coup d'arrêt.
Aujourd'hui, comme tout le monde, je vais  essayer de me réjouir de pouvoir sortir sans attestation et de ne pas craindre de croiser la maréchaussée quand mes pas franchiront le petit kilomètre. 
Mais où vais-je aller à moins de 100 km ? Dans quel monde vais-je habiter ?

De ce monde-là, il me semble que je ne sais plus rien. Depuis 60 jours, je vois très peu de proches et je n’entends parler que du virus. La presse n'a plus que ce mot-là à la bouche et c’est à peine si l’on a vu passer quelques entrefilets pour nous dire que le champion des actifs pétroliers, Blackrock, allait conseiller l’UE sur les finances vertes (…?!), que le cessez-le-feu était moyennement respecté en Syrie, que les combats repartaient de plus belle en Libye ou que l’excision était enfin devenue hors-la-loi au Soudan (yesss !). On a aussi vaguement entendu des trucs au sujet de l’acquisition de plusieurs centaines de drones de surveillance par l’État français, mais vaguement… enfin, on les a surtout lus, à condition de chercher beaucoup. 
Finalement, on aura eu droit à 2 mois d’édition spéciale généralisée et de fake news sur un sujet dont on ne sait pas grand-chose et sur lequel on n’a pas tellement d’informations bien vérifiées à donner, sinon des chiffres même pas toujours certains… Mais ça marche du feu de dieu parce que – damned ! – ce virus fout les jetons.

J’en ai marre. 
Et vous savez quoi ? je crois que les 85 % de la population qui risquent peu de faire une forme grave de COVID feraient bien de porter un regard vigilant sur beaucoup d’autres choses qui leur seraient peut-être bien plus nuisibles… Mais silence radio ! 

Il est grand temps de déconfiner l’information !

Parce que vrai : l’information nous manque, celle qui nous raconte comment le monde marche, qui nous parle de sujets différents en nous en donnant des éclairages variés…  Celle qui nous alerte quand les hommes déconnent trop, celle qui nous prévient quand un nouveau trou noir est découvert à portée de lunettes, celle qui nous amuse et nous enchante aussi. Elle nous manque d’autant plus que la culture repose ces temps-ci - covid oblige - sur ce qui est déjà produit : du patrimoine, en somme. 
Or il nous faut un savoir vivant, qui change avec nous. Un savoir varié, pas seulement orchestré par une poignée de scientifiques pas forcément sur le terrain des hommes. 

Alors voilà, j'aurais donc passé 55 jours assignée à résidence, loin de mes montagnes et de tout ce que j'aime. Aujourd’hui, je n'en tire pas grand chose, sinon le renforcement de quelques certitudes et la naissance de nouveaux doutes. 
Parce qu'il ne s’est rien passé dans beaucoup de nos vies, sinon quelques petits tours dans le quartier, quelques tensions, quelques applaudissements, des tartes aux pommes et une grande inventivité pour varier la préparation des restes, un peu de création pour aider un projet d’aide alimentaire pour des familles sans cuisine dans mon quartier… Et le Covid dehors, que j’avais peur de voir rentrer sur les mains de mon mari soignant, et donc pas confiné. 55 jours à compenser.

Mon journal de confinement, je l’ai commencé à J-15. Avant cela, la fatigue et la migraine m’avait trop sonnée et je ne saurai dire s’il s’agissait d’angoisse ou de Covid. C'est donc très précisément un journal de Quarantaine et il tient en neuf dessins A4. Il ne dit pas grand-chose, sinon le printemps volé et le manque que j'ai rempli de traits et de points. Minutieux. Chronophages. Question de survie entre mes murs.









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